Après de nombreuses péripéties, à coup de manifestations et de 49-3, la loi « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » a finalement été promulguée (le 21 juillet) et publiée (le 09 août). Tout n’est pas terminé pour autant ; les syndicats annoncent de nouveaux mouvements pour la rentrée et ce n’est pas moins de 127 décrets d’application qui sont attendus, pour la plupart avant la fin de l’année.
100 pages d’un texte de loi peuvent-elles radicalement réformer, simplifier et améliorer l’accès, notamment des petites et moyennes entreprises, au code du travail ? Bien évidemment que non. Il serait pourtant dommage de passer à côté d’un texte qui, sans révolutionner, fait évoluer la législation sociale dans le bon sens celui de faciliter l’accès au droit du travail. Pas une mince affaire …
Une loi qui se fixe également pour objectif d’adapter le droit du travail aux évolutions technologiques (numérique) et sociétales (responsabilité sociale des plateformes en ligne) tout en le rapprochant des interlocuteurs de l’entreprise (donner une place centrale aux accords collectifs d’entreprise). Cette réforme n’est pas une tempête soufflant une révolution mais elle laisse passer un peu d’air dans un code du travail qui a besoin de respirer.
Le texte est dense et la synthèse difficile car les mesures sont variées et impactent donc différemment les entreprises. J’ai donc fait le choix de la présenter sous forme de 8 tableaux organisés par thème, sans avoir trouvé le moyen d’échapper aux « mesures diverses » :
- Réécriture du code du travail sur la durée du travail (pdf, 487 ko) : Plus de lisibilité mais peu de changement
- Réécriture du code du travail sur les repos et congés (pdf, 459 ko) : Mise en œuvre du découpage du code du travail en 3 niveaux avec un large renvoi à la négociation d’entreprise – Prise en compte renforcée des situations de handicap – Congés payés
- Refonte en profondeur de la négociation collective (pdf, 483 ko) : Cadre indicatif – Nouvelles règles de validité (accord majoritaire / référendum) – Faciliter les révisions (modification) – Assouplir les modalités en cas de mise en cause d’un accord (fusion, cession, scission) – Faciliter la négociation avec des salariés mandatés – Substitution d’une obligation de maintien de la rémunération à la notion « d’avantage individuel acquis »
- Instances représentatives du personnel – IRP (pdf, 480 ko) : Mise en œuvre de la fusion annoncée des branches professionnelles – Augmentation de 20 % des crédits d’heures des négociateurs – Représentativité des organisations patronales – Ajustements concernant les Instances représentatives du personnel dans la continuité des lois Macron et Rebsamen
- L’anticipation et le traitement des Difficultés économiques (pdf, 573 ko) : Redéfinition du motif économique des licenciements et mise en œuvre d’accords « offensifs » de préservation ou de développement de l’emploi
- Santé des salariés (pdf, 446 ko) : Allégement de la surveillance médicale des salariés et modifications de la procédure en cas de licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude
- Adaptation du droit au numérique (pdf, 651 ko) : Mise en œuvre du compte personnel d’activité (CPA) et création d’un compte d’engagement citoyen (CEC) – Droit à la déconnexion – Plateformes en ligne – Bulletin de paie dématérialisé
- Mesures diverses … et variées (pdf, 570 ko) : Principe de neutralité – Harcèlement sexuel et agissements sexistes – Formation – Amélioration de l’accès au droit dans les PME – Les sujets débattus et finalement non retenus.
Avant de vous laisser prendre connaissance de ces documents, je vais vous livrer quelques impressions toutes personnelles.
- La mesure que j’estime la plus importante à long terme ?
Un découpage plus lisible du code du travail – réalisé pour la durée du travail, les repos et les congés et à venir pour le reste – autour d’une nouvelle articulation en 3 niveaux :
Niveau 1 : Le socle de « l’ordre public », ce qui ne peut être modifié que par loi et non par la volonté des parties au contrat de travail ou par les partenaires sociaux,
Niveau 2 : Ce qui peut s’adapter et qui relève de la négociation collective, avec une primauté plus fréquemment donnée à l’accord d’entreprise qui peut prendre le dessus sur l’accord de branche,
Niveau 3 : les mesures qui s’appliquent à l’entreprise à titre supplétif c’est-à-dire à défaut d’accord la couvrant sur le sujet
- La mesure qui sera la plus utile en pratique au plus grand nombre d’entreprises ?
Ce qui concerne la santé au travail et donc :
– la suppression du caractère systématique de certaines visites médicales (embauche ou périodique trop souvent devenues une pure contrainte administrative, loin de l’objectif initial de préserver la santé des salariés ;
– les modifications en matière d’inaptitude médicale au poste de travail et notamment la fin de l’obligation de rechercher un reclassement pour le salarié déclaré médicalement inapte à tout emploi dans l’entreprise et un renforcement des échanges entre l’employeur, le salarié et le médecin du travail central sur le sujet du reclassement.
- Ma bonne surprise ?
Une meilleure prise en compte des situations de handicap à travers différentes mesures portant à la fois sur les congés payés (critère pour définir l’ordre de départ), sur un nouveau droit à congés exceptionnel pour l’annonce d’un handicap chez l’enfant, la prise en compte de l’accessibilité des logiciels et l’accès au travail à distance …
- Ce qui m’a fait sourire …
J’ai lu dans divers commentaires que nous avions désormais une définition précise du travail saisonnier permettant le recours à des contrats de travail à durée déterminée. La définition précise en question : « tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe … ». Tout l’art du « à peu près » dans une définition légale.
S’agissant des nouveaux accords dits « offensifs » de préservation ou de développement de l’emploi qui peuvent imposer des modifications aux contrats de travail et, à défaut d’accord du salarié, justifier un licenciement, il est écrit que « l’accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les dirigeants et mandataires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés ». Si l’intention est compréhensible, je pense néanmoins que ce n’est pas le type de disposition qui va faciliter des échanges constructifs entre les partenaires sociaux.
- Ma principale déception ?
La non-intégration des 61 principes essentiels du droit du travail issus du rapport Badinter qui auraient pu constituer un nouveau préambule pour le code du travail sous une forme simple et donc accessible à tous. Manifestement pas simple de faire aussi simple mais tellement dommage de ne pas avoir été jusqu’au bout de cette démarche réellement novatrice !
Avec cette réforme, les entreprises devraient trouver – ou retrouver – un intérêt et donc l’envie de négocier et conclure des accords collectifs sur des sujets plus nombreux sur des sujets plus variés. Or un accord collectif ne se négocie et ne se rédige pas comme un contrat individuel de travail : c’est le fruit d’un compromis délicat qui nécessite un accompagnement et une expertise particulière sur laquelle notre cabinet accompagne ses clients.
N’hésitez pas à partager, l’information sur le droit est une chose à laquelle on doit pouvoir facilement accéder … c’est d’ailleurs tout l’objet de cette loi travail.